PICTOCALENDRIER

19 novembre 2018

PICTOLIEU

Le Star Avranches

Sami, une jeunesse en Laponie

Amanda Kernell

Elle, 14 ans, est jeune fille d’origine Sâmi. Elève en internat, exposée au racisme des années 30 et à l’humiliation des évaluations ethniques, elle commence à rêver d’une autre vie. Pour s’émanciper et affirmer ce qu’elle souhaite devenir, elle n’a d’autres choix que rompre tous les liens avec sa famille et sa culture.

Note d’intention de la cinéaste

« De nombreux Samis ont décidé de tout quitter et de devenir Suédois. Ainsi, je me suis toujours demandé ce qui se passe quand on décide de couper tout contact avec sa propre culture et son histoire ? Peut-on réellement devenir une nouvelle personne à part entière ? Sami est une déclaration d’amour à tous ceux qui sont partis et à tous ceux qui sont restés – racontée du point de vue de Elle Marjas. Je souhaitais faire un film où l’on pouvait comprendre la société amie de l’intérieur. Un film qui permet de vivre de manière physique cette partie sombre de l’histoire coloniale suédoise. Un film avec des joik (chants traditionnels) et du sang. »

Le contexte du film

Sami, une jeunesse en Laponie ne donne pas d’indication écrite sur le contexte du film, du type « Laponie, 1930 ». C’est au spectateur de formuler des hypothèses sur cette région et la communauté qui y vit, sans doute très méconnue d’une grande partie du public européen. Naturellement, le prologue, avec le retour de la vieille dame dans son pays, se passe de nos jours, mais le long flash-back qui constitue la plus grande partie du film n’est pas explicitement situé dans le temps et dans l’espace. 

Changer d’identité

Pour échapper a un destin tout tracé par sa famille, mais aussi par les Suédois qui veulent la maintenir dans cet état d’individu de seconde zone, Elle Marja n’a pas d’autre choix que de changer de tenue pour adopter des vêtements ordinaires, de ne plus parler le Sami spontanément ; et même pour finir de tuer un renne, comme un geste de colère, mais aussi de rejet définitif de la vie de ses parents. Tout se passe comme si l’identité personnelle d’Elle Marja était plus forte que son identité culturelle, comme s’il y avait un conflit entre ces deux identités, la seconde empêchant la première de s’épanouir. Mais ce n’est pas si simple en réalité. Bien qu’elle change de nom, de costume et de langue, son apparence la désigne comme «Laponne », comme disent les Suédois, un terme péjoratif à l’oreille des Samis.

Amanda Kernell

Amanda Kernell, née en 1986, a terminé ses études à l’Ecole Nationale du Film de Danemark en 2013. Depuis 2006, elle a réalisé plusieurs courts-métrages dont Stoerre Vaerie, le pilote de Sami, qui a été projeté au Festival de Sundance, et a été récompensé par plusieurs prix dont le Prix du Public au Festival International de Genève et celui du Meilleur court métrage d’Uppsala.

Vers la résolution du conflit

Pour le spectateur, le conflit d’identité qu’incarne Elle Marja-Christina est assez évident et l’on peut se demander comment le personnage en vient à désirer rejoindre le camp de l’oppresseur. La jeune fille semble ne pas percevoir le paradoxe qui consiste à souffrir du dénigrement, de la stigmatisation, de la violence des Suédois et, en même temps, désirer être comme eux, vouloir faire partie de leur communauté, contre la sienne. Devenue vieille, elle rejette toujours en bloc ses origines : elle rechigne à accompagner son fils, ne veut pas entendre de joik (chant traditionnel sami) fait mine de ne pas comprendre le Sami et refuse d’être hébergée, ne serait-ce que pour une nuit, dans sa famille. Elle préfère aller à l’hôtel où séjournent des touristes.

Là, elle échange quelques mots avec certains d’entre eux, qui se plaignent du bruit que font les éleveurs de rennes avec leurs motos et qui doutent même qu’ils aient le droit de polluer la réserve naturelle.

Se trouver sur sa terre d’origine et être une fois de plus confrontée au discours dénigrant des Suédois vis-à-vis des Samis fait resurgir le passé et agit enfin comme un révélateur de ce conflit d’identité. Elle ment sur ses origines (elle prétend venir d’une autre région), elle abonde même dans le sens de ces touristes méprisants et ce mensonge vis-a-vis des autres lui apparaît enfin comme un mensonge à elle-même… et elle pleure. C’est une image émouvante que de voir cette vieille femme remettre ses pas dans ceux qu’elle faisait enfant pour atteindre le sommet et regarder ce paysage. Revoir enfin sa terre, entendre le troupeau, avancer dans le campement où gisent désormais des motos et des quads.

Dans le cadre du Festival “La Tête ailleurs” en Scandinavie