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Mardi 4 février

PICTOLIEU

Le Star Avranches

Joueurs

Film de Marie Monge, 2018

SYNOPSYS

Lorsqu’Ella rencontre Abel, sa vie bascule. Dans le sillage de cet amant insaisissable, la jeune fille va découvrir le Paris cosmopolite et souterrain des cercles de jeux, où adrénaline et argent règnent. D’abord un pari, leur histoire se transforme en une passion dévorante.

Genèse du projet

L’inspiration première de Joueurs vient autant du monde des Cercles de jeux, peu vus au cinéma, que de ce couple de personnages qui envisagent leur histoire d’amour comme une partie de jeu de hasard. La réalisatrice Marie Monge explique : “L’intention ancienne, la genèse du film, remonte à la première fois où, dans un Cercle, j’ai découvert un monde fascinant, dont j’ignorais l’existence. Mais ce qui m’a donné envie d’en faire un film, ce sont les gens que j’y ai rencontrés, tous ces personnages qui peuplent ce milieu. Le cercle, au fond, n’est jamais que l’arène.”

Tous les milieux

Lorsque Marie Monge a découvert cet univers souterrain des cercles de jeux, elle a été frappée par le fait qu’on y trouve toutes sortes de gens très différents : toutes les classes sociales, tous les âges s’y mélangent et y convergent quand le reste de la ville ferme et s’éteint. “Il y a ceux qui viennent après avoir fait la fête, les commerçants du quartier, les habitués, des touristes, des gens qui tuent l’ennui, des vrais drogués… Au sein de cette faune nocturne, on trouve toutes sortes de cultures, de langues, de nationalités diverses qui se côtoient dans une espèce de monde parallèle, comme ils ne le font pas dans la société”, précise la cinéaste.

Des types bigger than life

C’est surtout les perdants (comme le personnage de Tahar Rahim) qui ont marqué Marie Monge lors de sa phase d’observation : ceux qui n’ont pas vraiment de rapport à l’argent et pour qui le jeu est un mode de vie. Elle explique : “Des types bigger than life, menteurs, manipulateurs, mais qui mettent de l’intensité partout ; des types qui déploient beaucoup de ressources pour pouvoir continuer à jouer, mais dont on peut aussi se demander s’ils ne jouent pas justement pour pouvoir piocher dans leurs ressources… Ils sont très forts, capables de se sortir de situations pas possibles, et à la fois, ils sont complètement inadaptés à la vie. Ils sont très destructeurs, très autodestructeurs.”

Marie Monge, réalisatrice

Marie Monge, née en 1987, a suivi des études de cinéma à l’Université de la Sorbonne Nouvelle à Paris. Elle est scénariste et réalisatrice de plusieurs courts métrages dont Marseille la nuit nommé aux César 2014. Joueurs est son premier long métrage.

Inverser les rôles

L’une des ambitions de départ pour Marie Monge était de raconter les gens d’à côté, amoureux, amis, qui peuvent partager la quête d’adrénaline des joueurs, mais pas l’addiction. “En écriture, on se disait que Abel serait la femme fatale du film. Vous voyez ces personnages doux et vénéneux, désarmants, qu’on a envie de protéger, de sauver d’eux-mêmes ? Dans le film noir, ce sont souvent des femmes, et l’homme va vers elles en pensant qu’il sera assez fort pour les sauver, précipitant sa chute. L’idée était d’inverser les rôles”, confie la réalisatrice.

Tahar Rahim transformé !

Marie Monge a changé le visage de Tahar Rahim dans Joueurs. Ainsi, pour appuyer le fait qu’Abel est un garçon qui a vécu, la cinéaste voulait que ce personnage soit un peu plus buriné que Tahar, dont les traits sont encore assez juvéniles. “Il a fallu lui « construire » un personnage, et ça passait par le nez cassé, les cicatrices, ce qui nous offrait en outre un nouveau visage à filmer. (…) Avec Tahar, on s’est dit que les héros de Abel venaient des années 80, on a construit ensemble ses références, sa mythologie à lui et ce qu’il en reste quand il n’a plus que quatre fringues sur lui”, confie Monge.

Retrouvailles

Karim Leklou joue un personnage secondaire dans Joueurs. Ce n’est pas la première fois qu’il partage un film avec son ami Tahar Rahilm puisqu’ils avaient joué ensemble dans Un prophète de Jacques Audiard, Grand Central de Rebecca Zlotowski et Les Anarchistes d’Elie Wajeman. Par ailleurs un autre acteur du film culte d’Audiard est au casting de JoueursJean-Michel Correia.

Loin du Paris carte postale

Comme dans ses courts métrages, Marie Monge a voulu filmer la ville de Paris comme on la voit peu au cinéma. Ainsi, la cinéaste a choisi des lieux de la capitale qu’elle connait bien et qui s’éloignent du Paris carte postale, comme Strasbourg Saint-Denis, Sentier et République. Un Paris authentique dans lequel elle vit, mais qui est menacé, comme on avait déjà pu le voir dans le film Les Derniers Parisiens : “Les cafés turcs sont en train de fermer, beaucoup de lieux ont changé en dix ans, ils sont remplacés les uns après les autres comme les gens qui traînent là, tous ces gens qui vivent dehors, pas seulement les sans-abris mais les gens qui évoluent et se rencontrent à ciel ouvert. Ça, c’est en train d’être repoussé”, raconte-t-elle.

Créer un cercle

Comme les Cercles de jeux ont presque tous fermé (hormis le Cercle Clichy), Marie Monge et son équipe ont dû en inventer un pour les besoins du film. Il était même question de l’un des gros enjeux de Joueurs : ressusciter un monde disparu. “C’est passé par un grand travail d’investigation, l’incroyable inventivité de Marion Burger, la chef décoratrice, qui a par exemple réussi à récupérer la dernière table de Multicolore de France, mais aussi par le casting, les costumes. Nous avons ainsi invité des croupiers, des caissiers, des joueurs à venir donner vie aux lieux”, se rappelle la réalisatrice.

Côté couleurs

En termes de lumière, Marie Monge a voulu qu’il y ait, dans Joueurs, beaucoup de néons, ce qui exigeait des repérages et parfois des interventions, car il n’y en a pas tant que ça à Paris. Avec le chef-opérateur Paul Guilhaume, elle a aussi enlevé du sodium (la lumière orange) des lampadaires, pour ajouter du cyan (la lumière bleue), qui donne une couleur plus proche du cinéma américain mais aussi du Paris que l’on voit dans le Police de Pialat. La cinéaste raconte :

“Mélanger les deux nous ramenait à une tradition du film urbain, un peu moins romantique que ce que le sodium implique. Pour le son, on a filmé sur les Grands boulevards, avec des voitures et des motos dans tous les sens. Les sons directs étaient très chargés, j’ai fait le choix de pas les nettoyer, et même au contraire, d’en rajouter, de faire en sorte que les personnages parlent dans un bordel pas possible, qu’il y ait de la musique partout. Si je ferme les yeux, je veux que ce soit Istanbul, Hong Kong, n’importe quelle ville qui vit la nuit.”